J’entends encore mon patron, mais aussi plusieurs gens d’affaires de Québec me dire, d’un air satisfait, lors de multiples dîners de représentation, l’anecdote suivante : « Au milieu des années 1990, quand je partais de Québec pour Toronto, je payais mon billet d’avion autour de 1 200 $. Aujourd’hui, je paye le même trajet 350 $ ! » Mais qu’est-ce qui explique ce phénomène qui fait maintenant le bonheur des passagers de notre région ?
Deux grandes catégories de frais
Commençons par le début. Un aéroport finance habituellement ses activités aériennes au moyen de deux types de frais. Le premier appelé Frais d’améliorations aéroportuaires (FAA) est payé par les passagers et vise à financer les investissements majeurs comme la construction d’une aérogare, les améliorations de piste, etc.
Le deuxième type de frais, qu’on appelle les frais aéroportuaires (incluant les frais d’atterrissage et les frais d’aérogare), sont facturés aux compagnies aériennes pour défrayer les frais d’exploitation reliés aux vols qu’ils font, tant au départ qu’à l’arrivée de l’aéroport international Jean-Lesage de Québec (YQB).
Ces frais sont fixés en fonction du genre d’appareils, de son poids et des services utilisés à l’aéroport. À YQB, nous avons une gestion par activités qui nous permet de savoir exactement qui utilise quoi. Les compagnies aériennes payent donc uniquement ce qu’elles utilisent. Il est important ici de spécifier que les compagnies aériennes servent un marché et non un aéroport ; cependant pour servir adéquatement un marché : elles ont besoin de services aéroportuaires adéquats.
Les frais d’améliorations aéroportuaires au service du passager
Il est vrai qu’au début des années 2000, le baril de pétrole était à 20 $, qu’il n’y avait pas de frais d’améliorations aéroportuaires (FAA) et que votre billet d’avion pour Toronto vous coûtait 1 200 $, alors qu’aujourd’hui, le baril de pétrole est à 45 $ (au 29 novembre 2016), les frais d’améliorations aéroportuaires tournent autour de 33 $ et que votre billet vous coûte environ 350 $. La raison en est simple : en 2008, l’aéroport de Québec s’est doté (grâce, en partie, aux FAA) d’une plus grande capacité d’accueil en construisant une nouvelle aérogare. Résultats : plusieurs compagnies aériennes sont venues s’installer à YQB et une saine concurrence s’est installée ce qui a immédiatement eu un impact sur le prix des billets, le tout au bénéfice des passagers !
Dans ce cas-ci, les frais d’améliorations aéroportuaires ont eu un impact direct sur le prix du billet d’avion ! (et quel impact, pour 33 $ investis par passager les prix des billets ont baissé de plus de 800 $).
Les aéroports ne fixent pas le prix des billets d’avion
Les transporteurs aériens se plaignent souvent que les frais aéroportuaires (frais d’atterrissage et frais d’aérogare) sont élevés et que ceux-ci font en sorte qu’il devient prohibitif de servir un aéroport donné. Ceci n’est pas tout à fait exact et l’expérience démontre qu’il n’y a pas nécessairement de lien immédiat entre les frais aéroportuaires et le prix des billets d’avion. Je m’explique :
En premier lieu, mentionnons que les aéroports ne fixent aucunement le prix des billets d’avion. Ceux-ci sont établis par les compagnies aériennes et n’ont souvent rien à voir avec les frais aéroportuaires. Pour illustrer mes dires, j’ai fait l’exercice de simuler l’achat d’un billet d’avion Québec-Montréal (aller-retour), la veille de mon départ. Prix du billet : 1 129 $ pour 233 km. J’ai ensuite cherché un billet Québec-Cayo Coco, Cuba (aller-retour). Prix du billet : 675 $ pour 2 770 km, et en plus je suis logé, nourri, et bar ouvert !
Cet exemple, certes extrême, illustre bien l’écart qui existe entre les prix des billets d’avion. Les deux avions partent pourtant du même aéroport avec des frais aéroportuaires relativement identiques ! Alors, comment les frais aéroportuaires peuvent-ils avoir un impact aussi significatif sur la variation du prix des billets d’avion ? Je vous laisse le soin de vous faire votre propre idée.
Il va sans dire que les compagnies aériennes ont un rôle à jouer dans le développement économique régional. Un rôle qui devrait indéniablement se traduire par une bonification de l’offre de vols directs à partir de Québec plutôt que de diriger le trafic aérien vers leurs plaques tournantes. Il est important que les aéroports, tels que YQB, soient considérés par les compagnies aériennes en offrant plus de routes directes pour faire gagner temps et argent aux gens de la région :
Pourquoi lorsque l’on part de Québec pour aller à Paris ou à Londres, devons-nous transiter par Montréal ou Toronto ? Pourquoi devons-nous payer deux fois des frais d’atterrissage (Québec et Toronto) ? Pourquoi payer pour un segment de vol supplémentaire et perdre plus de 5 heures de notre temps pour, au bout du compte, repasser au-dessus de Québec ? Tant de questions qui interpellent la majorité des passagers de Québec.
Je pense que les compagnies aériennes devraient se sentir davantage interpellées comme acteur de développement économique régional en étant plus attentives aux besoins des gens des régions et en les desservant mieux. En conclusion, les gens de Québec ont le droit d’avoir une desserte aérienne digne d’une capitale… et à bon prix !
Mathieu Claise
Directeur des communications et des relations publiques de l’aéroport international Jean-Lesage de Québec